Werchter 2008

trutruc était à Werchter pour Festivals-rock.com et nous fait revivre cette édition 2008.

Jeudi 3 Juillet

Werchter, petit village belge situé à 30 kilomètres à l’est de Bruxelles. Tout commence ce Jeudi matin à 6 heures. Les nombreux campings vont ouvrir et deux types de festivaliers se côtoient. Les premiers ont passé la nuit à fêter leur arrivée à Werchter et, aidés par des breuvages alcoolisés ou caféinés, crient et chantent leur joie de pouvoir enfin s’installer. Les seconds ont choisi d’essayer de dormir en attendant l’ouverture et les chants des camarades non couchés sonnent presque comme une agression pour leurs oreilles mal réveillées. La météo a du mal à choisir son camp. Après avoir arrosé Werchter toute la nuit, la pluie offre une accalmie salutaire le temps du montage des premières tentes. Elle reprend ensuite son travail de sape: il est 9h du matin, les festivaliers installés sont encore peu nombreux mais le terrain est déjà difficilement pratiquable.

Le site du festival (situé au mieux à quelques minutes du camping et au pire à une bonne demie heure) ouvre ses portes en début d’après-midi. Le temps de se faire poser les célèbres bracelets en tissu brodé, nous voici sur la gigantesque plaine du festival: droit devant la grande scène et ses deux écrans géants relaient les dernières minutes du set des Counting Crows. Un rapide coup d’oeil autour donne un aperçu assez symptomatique de la « machine » Werchter : l’espace disponible est entièrement bouffé par les stands commerçants et la publicité. Ce que laissait présager le prix prohibitif du festival (165 euros les 4 jours) se vérifiera tout le week-end: le quantitatif est souvent privilégié au qualitatif.

Comme si elle se devait de distribuer bons points et mauvais points, la pluie s’invite de nouveau en début de soirée. Elle choisit d’arroser la plaine en début de soirée pendant que débute le set de Mika sur la grande scène. De nombreux festivaliers fuient la plaine et se réfugient sous le chapiteau qui propose pour cette première soirée un plateau électro made in Belgium qui verra se succéder Shameboy, Soulwax et les 2 Many DJ’s. L’ambiance et la qualité du son sont excellentes ( à l’intérieur comme à l’extérieur du chapiteau). Pendant ce temps et avec l’arrivée sur la grande scène de Lenny Kravitz, la pluie s’arrête et laisse peu à peu place à un magnifique coucher de soleil. Le set de l’américain est étonnant: contrairement au concert donné ici-même il y a 4 ans, il semble s’être retrouvé en tant que musicien et la prestation qu’il livre avec son groupe est captivante. Il conclut son set avec le morceau « Are you gonna go my way » qui électrise la plaine. Le festival a bel et bien débuté. On se dit alors que Michaël Stipe aura bien du mal à faire aussi bien et cela ne loupe pas. Si l’aspect visuel des concerts de REM est toujours aussi soigné, la prestation musicale manque d’énergie et paraît datée. De nombreux festivaliers en profitent pour rejoindre le chapiteau où le set des 2 many djs commence. Comme un hommage aux mancuniens qui doivent clôturer la soirée sur la grande scène, le set est introduit par le « Hey boy,hey girl » des Chemical Brothers. Ces derniers arrivent quelques minutes plus tard sur la grande scène. Pour ceux qui n’ont jamais vu un set des Chemical Brothers, c’est forcément captivant: les visuels relayés par les écrans géants impressionnent pendant que les morceaux s’enchaînent comme autant de bombes à danser. Pour ceux qui les ont déjà vu, ça l’est malheureusement beaucoup moins: d’une année sur l’autre les visuels (et les morceaux) restent les mêmes et les deux frères ne sont pas des virtuoses du live: les montées sont la plupart du temps gâchées par des balances peu cohérentes…

Vendredi 4 Juillet

Le climat a enfin choisi son camp: il fait beau et chaud. La journée commence sous le chapiteau par la performance du canadien Patrick Watson et de son groupe. Patrick Watson c’est la voix qui accompagne une bonne partie du dernier album studio du Cinematic Orchestra. C’est également l’auteur de « Close to paradise », album qu’on pourrait qualifier de pop (on l’évitera cependant car l’étiquette est réductrice). Ce que Patrick Watson nous livre, ce sont des histoires subtilement habillées par sa voix et les arrangements musicaux du groupe auxquels viennent parfois se greffer d’inquiétantes distorsions harmoniques, rythmiques et vocales ( le canadien maltraite sa voix, parfois à l’aide d’un mégaphone, parfois à l’aide d’une pédale à effets). Le résultat se situe quelque part entre Yann Tiersen (pour le piano) et Jeff Buckley (pour la voix) et hormis les dernières minutes gâchées par une coupure de courant, le concert est captivant. L’artiste finira d’ailleurs son set dans le public, armé de son mégaphone pour jouer son dernier morceau accapella. Jolie spontanéité et belle performance: il luttera le temps d’une chanson contre le son de la grande scène occupée par …Slayer.

L’organisation annonce entre temps que les Babyshambles ont annulé leur concert (on apprendra le lendemain par le biais d’une interview du maire d’un village voisin que l’un des membres du groupe est en prison. Cela n’empêchera étrangement pas le groupe de se produire au complet le lendemain aux Eurockéennes. No comment…).

La suite avec Jay-Z sur la grande scène. Le New-Yorkais a fait le déplacement avec son jazz band et on se dit qu’on va passer un bon moment. C’est parfois le cas, en particulier lorsque Jay-Z joue avec ses musiciens. D’autres fois, c’est plus indigeste: les musiciens font de la figuration (voire de la simulation, bravo au guitariste qui remporte haut la main le trophée du meilleur air guitariste du week-end) et Jay-Z joue sur les instrumentaux envoyés par son dj. Le rappeur est néanmoins en grande forme et sur certains morceaux ça passe particulièrement bien (en particulier sur « 99 problems » et le cultissime « Hard knock life »).

Pendant que l’anglaise Duffy entame son concert sous le chapiteau, The Verve occupe la grande scène. L’annonce de leur venue a surpris: le groupe n’a pas d’actualité et le site officiel du festival explique que ses membres viendront présenter l’album « Urban hymns »…qui a plus de 10 ans ! Pas de surprise, le résultat est décevant. Richard Ashcroft et sa bande ne sont pas des bêtes de scène, la prestation manque d’envie et mis à part un léger mieux pour leur « Bitter sweet symphony », l’ensemble est ennuyeux.

Arrive ensuite le set de la légende Neil Young. Werchter a bien fait les choses en lui offrant un long créneau de 2 heures. Précis à la guitare, il impressionne également par sa voix: elle semble peu marquée par les années et les vieux morceaux des albums « Harvest » ou « After the goldrush » sonnent particulièrement juste. Le temps est pendant deux heures suspendu au jeu de Neil Young et c’est peut-être là un problème: Werchter s’éteint, beaucoup de festivaliers semblent trouver le temps long et préfèrent se diriger vers le chapiteau où sont successivement attendus Hot Chip et Digitalism.

Les courageux qui ont assisté à l’intégralité du concert de Neil Young voient ensuite arriver Moby et ses musiciens. Le new-yorkais clôture la soirée sur la grande scène et le choix est judicieux: son répertoire est dense et l’énergie qu’il déploie sur scène électrise la plaine. Il est entouré d’une batteuse et d’une choriste et alterne les phases de chant, percussions, basse, guitare et synthétiseur. Les réorchestrations de certains morceaux manquent parfois de rythme mais l’ambiance sur la plaine le fait oublier. Plus dérangeant par contre, certains morceaux sont envoyés sur bande et Moby se contente de les « doubler » à la basse pendant que sa choriste les « double » au chant ! Après le playback des musiciens de Jay-Z cette après-midi, ça commence à faire beaucoup et ça résume finalement assez bien la journée qui s’achève: globalement décevante. Au dodo, le week-end s’annonce chargé : Kings Of Leon, Ben Harper, Sigur Ros, Radiohead, The Raconteurs, Justice, Beck et Deus !

Samedi 5 Juillet

Le ciel est gris et les jambes commencent à se faire lourdes. MGMT joue à 13h30 et c’est bien trop tôt pour moi. Résultat: pas de MGMT. La journée commence finalement bien plus tard avec le set des Kings Of Leon. Le groupe présente son dernier album « Because of the times » sorti l’année dernière. S’ils ne semblent pas particulièrement à l’aise sur la grande scène du festival, le concert qu’ils proposent est intéressant: les compositions sont agréables et l’énergie de l’album bien retranscrite. Peut-être à cause du temps, ce sont leurs morceaux les plus lents («Knocked up ») qui remportent l’adhésion du public. Un public qui compte un invité de marque: au bord de la scène on peut apercevoir Ed O’Brien, le second guitariste de Radiohead qui a par ailleurs souvent exprimé son intérêt pour le travail du groupe.

Alors que le concert se termine, le soleil pointe enfin le bout de son nez. Le public massé devant la grande scène lui offre une standing ovation. Quelques minutes après, Ben Harper et ses Innocent Criminals arrivent sur scène. On se dit que le soleil tombe vraiment bien: la prestation du groupe respire la bonne humeur. L’américain propose une relecture de son répertoire entre anciens morceaux ( « Please bleed », « Whipping boy », « Waiting on a angel ») et morceaux plus récents (« Diamonds on the inside », « With my own two hands »). Il apparaît sur scène assis au lap steel et donne directement le ton de la performance: assurément funky, parfois blues, d’autres fois plus rock . Le reggae viendra également ensuite. On assiste à l’un des sets les plus musicaux du week-end: chacun des musiciens tient sa place et c’est un régal. Le groupe joue 1h20 avant de laisser sa place aux islandais de Sigur Ros.

Sigur Ros c’est assurément une surprise à cette heure-là (21h30) sur la grande scène. Le créneau le plus important du week-end leur est réservé. Pour la première fois cette année, on a l’impression que le qualitatif prime sur la quantitatif. On ne saura d’ailleurs pas si cela correspond vraiment à un choix des programmateurs ou à une exigence des cinq de Radiohead, Thom Yorke ayant souvent présenté le groupe islandais comme l’un de ses préférés. Le pari est plus que réussi: les quatre islandais débarquent sur scène et sont épisodiquement rejoints par une section de cordes et une section de cuivres. Le chanteur impressionne: il cache derrière sa timidité une sensibilité qui se ressent aussi bien dans sa voix que dans sa façon de faire glisser l’archet sur sa guitare (un archet sur une guitare ?). La musique jouée par les islandais est souvent qualifiée de Post-Rock. A cette étiquette, il faut ajouter tout le folklore traditionnel qu’amènent les islandais: les costumes, les maquillages et le fond de scène sont magnifiques. Les traditionnelles montées post-rock sont bien plus que cela avec eux: c’est un véritable orchestre de cordes et de cuivres qui déferle sur le groupe dans ces moments-là. La nuit tombe sur Werchter et on assiste sûrement à l’un des plus beaux moments du week-end: d’abord dubitatif, le public se laisse entraîner dans la deuxième partie du set, en particulier sur le morceau qui introduit le dernier album (« Gobbledigook »). A mi-morceau c’est d’ailleurs l’explosion, un feu d’artifice de cotillons s’abat sur la plaine. Le reste sera du même acabit et au bout d’une heure et demie de concert, à la manière d’une troupe de théâtre l’ensemble du groupe fait déjà ses adieux à la plaine. C’est passé vite et c’est bon signe.

Le festivalier encore sous le choc du concert de Sigur Ros est ensuite brusquement ramené à la réalité: c’est la foire d’empoigne pour se placer pour le concert de Radiohead. Les cinq d’Oxford se font attendre et arrivent enfin à 23h40. Le groupe, qui fournit des prestations plus assagies depuis la sortie de l’album « In rainbows » (lui aussi plus assagi…), paraît néanmoins plus indiscipliné qu’à l’habitude. Les cinq arrivent sur scène bières à la main et Johnny Greenwood (le guitariste/pianiste/machiniste magicien) fait rapidement comprendre à la plaine qu’il a envie de s’amuser. Dès le second morceau (« The national anthem ») et alors qu’on se demande où est passé Thom Yorke (qui expliquera le lendemain sur son blog être passé au travers de la soirée), il gratifie la plaine d’une longue introduction où il massacre des extraits de musique classique puis des voix avec son tuner. Le concert sera un bonheur de ce côté-là: alors que les concerts de début de tournée avaient donné l’impression de quelque chose de très carré, cette fin de tournée européenne marque un certain relâchement: les introductions des morceaux sont plus longues et plus surprenantes. La set-list est également étonnante, on sent que le groupe se fait plaisir. Alors que la plaine attend douze « Karma police » d’affilée et un rappel avec trois « Creep », le groupe choisit des morceaux moins consensuels: « Climbing up the walls », « The gloaming » ou encore « Optimistic ». Le résultat est, comme souvent avec les anglais, captivant: malgré la palette très variée d’effets et d’instruments, les balances sont souvent très bonnes et la richesse de leur répertoire nous balade entre rock « pur » (« Just », « Bodysnachters ») et électro (« The gloaming », « Idioteque »). Une heure et demie plus tard, le groupe avance déjà vers la fin de son set avec « Paranoid androïd » (que Johnny prend soin d’égratiner: d’abord au Fender Rhodes puis à la guitare électrique) et conclut avec « Everything in it’s right place ». Le temps vient de filer devant nous le temps d’une soirée et nous ne nous en sommes pas rendus compte…

Dimanche 6 Juillet

Après le feu d’artifice musical d’hier soir, les jambes paraissent miraculeusement plus légères. Des étoiles plein la tête, chacun relit la soirée à sa façon. Sur la plaine du festival, les concerts n’attendent pas que les discussions se terminent, les « Raconteurs » de Jack White et Brendan Benson sont déjà sur la grande scène. Dans une mise en scène style « vieux cabaret», le groupe livre une prestation pleine d’énergie, les deux leaders partagent les phases de chant et de solos à la guitare en s’appuyant parfois sur du vieux matériel (en particulier Jack White pour la voix) et on assiste sûrement au concert le plus rock n’roll du week-end (Rock n’roll baby, rock n’roooooooooooooll!).

Le temps de flâner sur le site et de récupérer un peu (le dos commence à se faire douloureux…), le début de soirée pointe déjà le bout de son nez et le concert de Justice avec. Les deux parisiens, cachés derrière la fameuse croix lumineuse emblème du groupe et entourés de deux murs d’amplis Marshall, sont particulièrement bien accueillis. Le chapiteau prend feu: à l’enthousiasme du public belge s’ajoute l’intelligence du groupe. Ils jouent les quelques morceaux attendus par le public (« D.A.N.C.E. », « D.V.N.O. » ou « Never be alone») mais savent s’en éloigner et la seconde partie de leur set est plus exigeante. Là où on pouvait s’attendre à quelque chose de convenu, le groupe multiplie les breaks et les faux départs pour terminer le set sur une note très rock. La prestation a duré à peine une heure et c’est finalement le plus décevant.

La soirée avance et la fin du festival approche, l’avant-dernier concert du week-end est celui de Beck. Sa dernière tournée en festivals (il y a deux ans) était captivante: il était accompagné de nombreux musiciens, de marionnettistes et présentait même des couts-métrages hilarants réalisés dans la journée. A son arrivée ce soir, c’est presque une déception: le fond de scène est vide et Beck arrive avec « seulement » quatre musiciens. A cela il faut ajouter le manque d’attaque dans le jeu: l’américain revient juste sur scène et le groupe ne paraît pas rodé. Ceci saute aux yeux dès le premier morceau joué (« Loser »): là où il y a deux ans, le morceau tapait directement dans le mile, il paraît ce soir peu rythmé et vieillot. Au fur et à mesure que le set avance, on sent néanmoins que la mayonnaise prend. Les musiciens se réveillent peu à peu et les vieux classiques («Devil’s haircut », « Where it’s at ») raniment la plaine. Beck interprète au passage sa reprise du morceau « Everybody gotta learn sometime » qui habillait le film « Eternal sunshine of the spotless mind » de Michel Gondry. Il présente également des morceaux de son nouvel album « Modern guilt ». Ceux-ci laissent entrevoir un retour à quelque chose de moins synthétique et de plus en phase avec les premiers albums de Beck. Le set se termine un peu plus d’une heure après avoir débuté avec le morceau « E-Pro » extrait de l’album « Guero ».

Un rapide coup d’oeil autour permet de se rendre compte que la fin approche: le site désemplit et pour la première fois du week-end, on a l’impression de pouvoir s’approcher facilement de la grande scène. La clôture du festival est confiée à dEUS, « le » groupe de rock belge. Tom Barman arrive sur scène entouré de ses quatre musiciens. Ils jouent ensemble beaucoup de morceaux de leur nouvel album « Vantage point » mais c’est sur les anciens que le public se montre le plus réactif. Le rappel est un régal: le groupe enchaîne « Popular culture » (avec une chorale de jeunes enfants), « Roses » et le fabuleux « Suds and soda ». Tom Barman donne alors le signal: le feu d’artifice qui marque la fin du festival débute. Comme à l’habitude les festivaliers allument des feux aux quatre coins de la plaine. Signe que l’édition 2008 du festival se termine.

Reportage par trutruc