Solidays 2010

 

Située sur la ligne de départ du marathon estival des festivals, la kermesse militante Solidays a définitivement quitté ses habits de petite fille. Elle peut maintenant revendiquer l’étiquette de second plus gros festival français derrière les Charrues et a même rejoint son aîné sur au moins deux points: la professionnalisation excessive du site et la saturation en terme de fréquentation. Record battu: 168 000 personnes sur le week-end et des gens qui attendent toujours ce Mardi matin pour remplir leurs bouteilles d’eau. Résumé succinct.

Spécificité du festival, si l’ambiance est à la poilade conviviale et consensuelle, aux bébés qui slamment au milieu des beatniks tandis que papa et maman essaient d’oublier les années de trop devant la scène, le fond de l’air est militant: aide aux malades, accès aux médicaments pour les pays du Sud, prévention des conduites à risques et thématiques plus globales s’enchevêtrent autour d’un chapiteau décrit par les associatifs présents comme un lieu de pèlerinage. L’occasion de rappeler certaines réalités qui n’ont pas la place que l’injustice qu’elles suscitent nécessite et de soutenir les associatifs présents pendant le week-end. Un certain malaise est néanmoins perceptible: d’année en année, on sent les artistes et les festivaliers de moins en moins concernés. Une beuverie musicale géante et un rendez-vous militant se côtoient sans vraiment partager.

Rayon musique, Solidays peut se la jouer. Elu homme du festival (et de loin); Cyril Atef, batteur fou, fait le grand écart entre sa formation CongoPunq dans la nuit de Vendredi (afro-expérimentations musicales et improvisations scéniques, génial) et la formation de son camarade Mathieu Chédid Dimanche soir.

En parlant de Mathieu Chédid, si cela fait belle lurette qu’il semble vouloir s’extirper de son personnage, c’est la première fois qu’il met en scène cette envie et c’est une réussite. Tandis qu’il fait le show guitare en mains, un second M – squelettique – court sur place en fond de scène. Symbolique touchante: le clown continue à faire rire mais le personnage s’essouffle. Au bout d’une heure, Mathieu Chédid enlève le costume et la perruque… Mais pour le reste, c’est comme avant.

Rayons bonnes nouvelles pour la saison des festivals, Hindi Zahra est partout cet été et cela vaudra le coup d’oeil. Artiste entière qui partage et mélange les musicalités (rock, blues, jazz manouche, tango…), la chanteuse berbère organise une heure durant une rencontre entre les grandes voix féminines du rock et du Jazz. Enthousiasmant. Puisqu’on en est aux chanteuses, mentions également aux performances de Nneka (pour le timbre de voix genre Erykah Badu en vacances à Kingston) et de Phoebe Killdeer (pour l’énergie).

Si beaucoup d’artistes semblent oublier la cause que leur présence est censée défendre, certains autres ne l’oublient pas. Jacques Higelin, dans le registre sincère et maladroit qu’on lui connaît, en a fourni un bon exemple. L’organisation lui avait confié un créneau nocturne le samedi soir sur l’une des deux grandes scènes de plein air et il en a fait très bon usage: concert habité par sa voix, son aura, ses musiciens et par la richesse de son répertoire, alternance de morceaux joués full band et piano voix, intermèdes improvisés qui tapent dans le mile… Bref, prix spécial du jury.

Rayon vu et revu, Solidays la jouait costaud : Olivia Ruiz, Babylon Circus, BB Burnes, Diam’s ou Java. Pour les plus avertis, on rappellera que la boulimie de dates d’ Archive doit être surmontée sur cette tournée: celle-ci présente une très intéressante synthèse de la carrière du groupe (voir à ce sujet mon papier à Bourges: https://www.festivals-rock.com/reportages/printemps-de-bourges-acte-1-5733.html ). Set du festival malgré une coupure de courant sur l’ovni technoïde Finding it so hard (énorme faute de goût).

Du côté du hip-hop, tout va bien ou presque: Hocus Pocus et Chinese Man ont retourné leurs chapiteaux respectifs et la très attendue troupe de Pharrell Williams a présenté le nouvel album du projet N.E.R.D.(on en reparle dans deux semaines à l’occasion des Ardentes). On reste par contre sans nouvelles du Wax Tailor découvert il y a quelques années: décors et visuels carton-pâte, set sans rythme… Au royaume du rythme, il y avait pourtant d’excellents modèles à suivre: la fanfare canadienne Soul Jazz Orchestra dont le dénomination dit presque tout (elle omet juste de préciser que j’en ai encore les doigts de pied qui tremblent), General Elektriks (dont on reparlera) ou l’excellent Jamie Lidell qui a mis à l’amende tout le monde rayon musicalité: set tantôt soul, tantôt funk, tantôt électro (avec MC Jamie qui beatboxe, sample sa voix, la déforme dans un maelström électronique particulièrement convaincant).

Un petit mot pour terminer sur l’un de ces groupes dont on entend beaucoup parler. Local Natives présentait l’album Gorilla Manor sorti en début d’année et l’a très bien défendu sur scène. Compositions pop avec piano en trame de fond, bel effort sur les partitions rythmiques, équilibre correct… Si quelques efforts restent à effectuer en terme d’harmonies vocales, l’ensemble est agréable et cela mérite d’être dit.

Entre les lignes (making of t’as vu):

 J’étais à Solidays durant l’ensemble du festival.

Cela se voit très vite, l’article n’est illustré d’aucune photo. L’organisation avait en effet refusé ma demande d’accréditation (très tardive, la faute m’en incombe sûrement..).

Il n’est pas mention dans cet article de certains concerts pour la simple raison que je ne les ai pas vus: en vrac Oxmo, Pony Pony Run Run, Toots et ses maytals,Delphic et même N.E.R.D… Pas grave, on en reparlera lors des Ardentes de Liège dans deux semaines. Je pourrai même ramener des photos cette fois…