Printemps de Bourges: le Jeudi

Il est un peu plus d’une heure du matin. Un autochtone explique à qui veut l’entendre que le meilleur morceau du dernier album de Radiohead n’est pas sur le dernier album de Radiohead. Les deux salles jumelles du 22, qui accueillent ce soir la sélection hip-hop / électro des découvertes du printemps de Bourges, se désemplissent doucement. Parmi les signes qui ne trompent pas, il y a celui de la buvette: on trouve plus de monde devant les différents bars que dans les salles. Le dernier groupe tente de ranimer un enthousiasme chancelant. C’est le lot de ce genre de sélection: les groupes présentés laissent plus facilement percer l’ennui. Bilan des courses: peu d’instruments, beaucoup de machines, quelques bons moments et la prestation rafraîchissante de la formation hip-hop Milk, Coffee and Sugar . On y reviendra.

Milk, Coffee & Sugar

Chocolate Genius Inc fait partie de ces groupes dont on ne sait pas comment ils peuvent, sur scène, incarner leurs chansons et leur univers sans endormir l’assistance. Il est un peu plus de 17h ce Jeudi lorsque Mark Anthony Thompson, voix du groupe, arrive sur scène pour proposer une réponse. L’américain y croit sacrément et arrive, par petites injections de charisme et d’esprit distillées à intervalles quasi-réguliers, à nous amener à lui. Lui et ses quatre musiciens signent la bande-son d’un monde dans lequel on commence tous les matins par se séparer avant de se rabibocher au lit, le soir venu, en se disant qu’on s’aime. 45 minutes et puis s’en vont, la dure loi des festivals.

Mark Anthony Thompson

Un peu plus tard, les doigts du pianiste Baptiste Trotignon ont la lourde tâche de succéder à l’américain. Reprises à deux mains de classiques de la chanson française. Barbara, Gainsbourg, Brel… Et puis Christophe Miossec entre sur scène, un peu cabossé, canne en main pour soutenir une jambe défectueuse. Les deux composent ensemble et livrent quelques extraits de leurs expérimentations. Accords mineurs, voix éraillée, lumières sobres; c’est beau à s’en couper les veines avec de la laine de mouton.

Chocolate Genius Inc

Akhenaton et l’organisation du festival annonçaient l’évènement comme une prise de risque. Les plateaux rap ont la triste réputation d’attirer quelques agités du bocal et offrent des faits divers « prêt à consommer » aux médias. C’était le cas ici même, il y a deux ans, avec une soirée rap français où quelques encagoulés avaient réussi à dresser le majeur de Serge Tessot Gay en plein concert. Le festival prend le problème à contre-pied et propose une soiré rap français sur la plus grande scène du festival. De la place pour 8000 personnes et, proportionnellement, pour pas mal de poings dans la gueule.

Akhenaton et Faf la Rage

Dans la salle, cela semble être un succès: du monde (surtout des jeunes), des cris, des bras en l’air et des artistes qui prennent soin de rappeler qu’on est entre potes et que coups de poings, de pieds ou de lattes seraient malvenus. Akhenaton, chemise ouverte mais sans chaîne en or qui brille (on reconnaît bien là le style des bad boys de Marseille), rappelle aux plus jeunes que demain c’est loin. La fouine accompagné de son DJ, la belette, propose une relecture du veni, vidi, vici de César (« je suis venu, j’ai fourré, j’ai vaincu ») avant que Soprano et Sexion D’assaut ne complètent une dissertation finalement un peu indigeste.

La suite demain. Bisous.