Cabaret vert 2008

Matthieu était pour festivals-rock.com au Cabaret vert. Compte rendu du festival.

J1 :

(je me présente vite fait : non ardennais, non musicien, 2ème année d’écoute au Cabaret vert et 10 ans d’Eurock principalement)

Ca sent la poudre à Charleville-Mézières : stationnements anarchiques et tronches d’hirsutes aux alentours du Cabaret vert ! Sur un muret pour gagner le camping, un alignement de bouteilles de bières, avec au bout, des barriques humaines. C’est ainsi que certains commencent. Ça fait aussi plaisir de les voir parce que les prix pratiqués ailleurs opèrent une sélection dont ils souffrent.

Bon, je me dépêche, j’évite 2 heures de queue mais je loupe la Rue Kétanou. « Bien, bien » tout le monde m’en dit du bien. J’en rajoute pas. La foule est massive, le site s’est agrandi et on s’y sent mieux. C’est toujours ambiance cabaret, engagement vert et rassemblement musical, poétique flamboyant.

Sna Fu se présente en scène 2. c’est jeune, c’est énergique, ça envoie. Les mômes adorent et se défoulent. Après, c’est assis qu’on les retrouve pour une diffusion de courts métrages que j’apprécie toujours. Ici, on prend parfois le temps de se poser, de regarder et de réfléchir, avec un film scotchant sur le handicap.

De leur côté, les quarantenaires sont regroupés autour du bar à vins, ils attendent Arno. Le monsieur se présente : « Carla Bruni ». Pas suffisant pour désenchanté son monde. Arno serre le micro, se crispe et se tend. Son rock est racé, rythmé par une agressivité contenue que libèrent grossièment les guitares. C’est l’effort enthousiaste que vous produisez pour accomplir les dernières foulées d’une journée bien remplie. On en repart satisfait, repu, avec en dessert une ballade tendre, chantée de sa voix rauque, et quelques musettes. C’est délicieux.

Suit Missil, elle, mitraille en rafale. La petite guèpe nous butine un truc sucré comme du miel. Elle trouve rapidement son public et c’est le club Med un soir d’été ! De mon côté, j’ai le sourire qui se crispe, le palais qui s’assèche alors je vais chercher d’autres plaisirs avec une bière ; et quel pied de pouvoir déguster autre chose que la Kro coupée à l’eau dont on vous abreuve sur d’autres festivals ! Je m’attarde pas sur les autres stands que j’ai entrevus ce premier jour mais j’y reviendrai évidemment plus tard…

En scène 1, jongleurs et cracheurs de feu font patienter le public pour Groundation. C’est du reggae, posé, léger, avec une choriste mimi comme un bonbon piment. Quelques solos de tendance jazz me transportent gentiment, moi pour qui le reggae n’est pas une conviction.

Et puis ça se finit avec Alb. C’est bien aussi mais je suis fatigué. Devant moi passe un type qui doit s’étonner d’avoir réussi à monter l’escalier avec un tel élan et sans chuter. Il allait pas bien vite mais ses pas tombaient au hasard. Démarche chancelante du zombie qui ne croit plus guère en l’existence de ses membres. M’enfin, faut bien rentrer ; et je dois avouer que je galère preque tout autant que lui…

J2 :

(chaleur étouffante, mal de crâne, cachetons)

C’est reparti.Parabellum en scène 2. des vieux routards. Ça roule. Rock’n’roll ! Ils ont leurs fans. Ils reprennent Amsterdam et puis ils finissent avec Cayenne/Mort aux vaches. Un mouvement anarchiste bien rôdé quand même. Ça met en apétit.

A côté, dans le petit square, Immo est là. Petit atroupement autour de ce troubadour de génie qui a la gouaille d’un parigo et l’accent des rosbeef. Il jongle avec sa bouche, sur un fil tendu par des torse-poils, ou sur un monocycle, mais sous la jambe. C’est un bon spectacle, la foule est subjuguée et les sourires sont permanents.

Et ça continue avec Los Tres Puntos.La soirée s’annonce mais le soleil demeure. Le groupe de ska s’active sur des rythmes d’enfer et le public s’échauffe rapidement. La bonne humeur est une recette musicale bien connue.

C’est différent avec Girls in Hawaï qui nous fait une confidence : ils ont puisé une part de leur inspiration à Puisemange car il y a dans le massif ardennais un « bel ennui ». sur la scène, les tv diffusent des images d’une nostalgie emmerdante, ou « douces amères » en langue pop. J’attends les deux dernières, quand le rythme s’entête, que les guitares saturent, grincent, pour vibrer avec plaisir.

No comment sur la prestation de la Phoebe australienne… mais je me rassieds en toute confiance pour goûter aux courts métrages. Isabelle au bois dormant, un dessin animé canadien, remporte la palme du jury pour la déconne. Thriller de MichaëlJackson est sur le point d’être diffusé lorsque je me décide à bouger pour aller scrupter le réalisateur du fabuleux « chat noir, chat blanc ».

Emir Kusturica et son no smocking orchestra entrent en scène. Folklore inédit d’un mélange de musiques vivantes. Une joyeuse folie se répand parmi la foule et des scènes d’un autre monde m’apparaissent : une première fille improvise une danse-footing, bientôt rejoint par une deuxième qui danse-nage et une troisième encore, que son copain tâche de coller au plus près. Un type manque de se rétamer la gueule et me laisse les ¾ de sa bière sur le fut’. Aucun rapport mais un autre me propose un demi-joint de dédommagement. Il est même prêt à me tenir mon sandwich. Côté scène, les titres s’enchaînent et ressemblent peu à ce que j’ai entendu sur albums. Ça reste enthousiasmant et ça se finit presque en farandole.

On nous annonce que Deus est annulé, faute de voix, totalement aphone. Vers les chiottes qui puent à vous soulager l’estomac en même temps que la vessie, je croise deux types menottés. D’autres suivent avec l’oeil en bleu ou le pif en rouge. Y a eu baston. Les filles pleurent…

Je termine ma journée avec Yuksek donc. Une gueule de Jeff Buckley pour le chanteur et l’intensité d’un rock déjanté.

J’oubliais : j’ai vu un drapeau roumain aujourd’hui ; et bonheur, sa propriétaire ne l’agitait pas en devant de scène, comme ces connards de bretons le font, sans raison autre qu’emmerder le monde.

J3 :

(30 minutes de retard à « discuter » avec la police, 90 € d’amende et 4 points de moins pour un feu rouge grillé)

sur le chemin, un belge s’adresse à la police française en patrouille : « Ah, nous bientôt, on aura plus du tout de gouvernement et plus du tout de police ! » ça le fait rire, eux moins…

J’arrive et je prends le temps de visiter les stands aujourd’hui. Y a donc Attac qui tient une cantine « participative » et un boulanger bio qui fait son pain in situ. Plus loin, on me propose la fin du nucléaire, les énergies renouvelables ou la diffusion de Linux, et puis y a de l’entraide. Une partie de mon casse-croûte ardennais se transforme en don pour le soin des vieux. Mon gobelet finit dans la poubelle bleue… En fait, c’est tout un territoire qui se retrouve ici, soutenu et valorisé. Le Cabaret vert se mobilise pour « sauver des ours » ; et ça m’inspire bien du respect pour les sangliers !

Bon, côté scène, les Sliping Kangooroos sont du cru eux aussi. Vêtu d’habits oranges flashy ou de slip rose, ils nous font un show honnête. Rock emballé et volontairement emballant, ils font le nécessaire pour jouer leur rôle de mise en bouche. Ça me fait un bel apéritif.

Derrière Bertignac assure. Il revisite plus de 20 ans de musique et passe en revue Police, Led Zeppelin, Chuck Berry, The Who, Bob Marley et même Téléphone ! Les guitares sont afûtées et efficaces mais le public ronronne tranquillement. La journée est à tarif réduit. Devant moi, papy « Céline » souhaite avancer dans la « fosse », même si c’est trop fort, parce que là il voit mal. Il zigzaque avec son verre à la main et sort une camel de sa machine à rouler. Ambiance bon enfant donc. Bertignac nous offre même une blagounette. Fallait y être !

Les Fils de Teupuh clôturent. Les cuivres sont de sortie et les zigounettes aussi. La fin tourne donc à l’orgie. Un type me chante à l’oreille : « oh, à oilpé… à oilpé, à oilpé, toute l’année ». il est confus quand il reconnaît que je ne suis pas celui qu’il croyait. Il est nu aussi… Je rentre.